Lorsqu’un fabricant de produits cosmétiques lance un nouveau produit, suivant les allégations qu’il veut faire apparaître sur le packaging, il faut les prouver.. Vous savez le « rides estompées en 3 semaines », « peau repulpée en 15 jours », « + 60% d’hydratation » et autres promesses alléchantes.. Mais comment ?

Il y a plusieurs méthodes: les tests « in vivo », avec instruments de mesures (« cutomètre » mesurant la tonicité de la peau, « sébumètre » mesurant le taux de sébum..), faits par des professionnels en laboratoire sur un panel de « testeuses ». Ces tests sont les plus fiables, mais malheureusement les moins répandus. Ben oui tout cela coûte cher !

Il y a aussi les tests « in vitro ». Tests faits sur des cellules humaines, et qui évitent ceux sur les animaux.. Un bon point ! Mais nombres de spécialistes s’accordent à dire que, démontrer l’efficacité d’une molécule pure sur des cellules ne prouve pas que la même molécule une fois incorporée dans une formule en petites quantités ait la même efficacité. Une application cutanée n’aura pas le même résultat que celui observé dans une éprouvette.. Mais la molécule en question est testée en laboratoire, c’est déjà ça..

Car il y a une autre méthode beaucoup plus subjective.. Et très répandue.. Elle s’appelle Auto-évaluation. On voit souvent dans les pubs télé un « efficacité prouvée » apparaître en très gros, et un tout petit message en bas de l’écran, du genre « auto-évaluation par 25 femmes« ..

Déjà vous remarquerez que le nombre de « testeuses » est assez petit.. 25, 30, rarement beaucoup plus. Mais qui sont-elles ? Dermatologues ? Esthéticiennes ?.. La « preuve d’efficacité » ne tenant qu’à elles, on peut s’attendre à trouver parmi elles des professionnelles aptes à évaluer la dite efficacité.. Et bien non ! C’est vous et moi.. Comment je le sais ? Car j’en ai fait partie !

Il y a quelques années je travaillais dans une agence immobilière, avec 5 autres négociatrices. L’une d’entre elle avait une amie qui bossait pour une société faisant ce genre de tests. Je vais donc vous expliquer comment ça se passait..

L’amie en question passait à l’agence et nous remettait des échantillons de produits, packagings sobres et sans marque (pour ne pas influencer notre avis). Les produits pouvaient être une fois un rouge à lèvres, une fois une crème de jour, une autre un vernis.. Vous pouvez imaginer, 6 nanas à qui on donne des cosmétiques (même en échantillons), on était ravies ! Nous étions censées utiliser ce produit seul et donc abandonner nos cosmétiques habituels pendant ce temps.. Censées..

Puis 10 ou 15 jours plus tard nous devions « rendre nos devoirs ».. Des questionnaires à remplir, sur le produit en question. Jusque là me direz vous rien de très anormal.. J’y viens..

Car si nous nous étions bénévoles, la copine en question elle était payée au questionnaire.. Et comment fait-on pour en avoir un maximum avec un minimum de boulot ?? Et bien on en « invente » ! En échange de plusieurs échantillons, nous lui remettions plusieurs questionnaires chacune.. Un à mon nom, un au nom de ma mère, de ma cousine.. Avec 6 personnes à l’agence elle se retrouvait avec 25 questionnaires remplis ! Avec plus ou moins de fantaisie… Car pour ne pas qu’ils se ressemblent trop, il nous fallait varier les réponses d’un questionnaire à l’autre.. Sur l’un le produit était fantastique, sur l’autre moins bon..etc.

Alors je sais me direz vous c’était pas sérieux ! Mais je n’ose croire que nous étions les seules à « magouiller » de la sorte.. Avec plus d’expérience, et plus d’intérêt aujourd’hui pour la formulation des cosmétiques, je ferais les choses différemment.. Mais je ne peux pas croire que toutes les « testeuses » aujourd’hui sont plus concernées que nous à l’époque..

Qui vérifie qu’elles abandonnent totalement leurs cosmétiques perso pendant qu’elles testent tel ou tel produit ? (Pas toujours évident, le même rouge à lèvres pendant 10 jours bof..). Ou que derrière chaque questionnaire il y a bien 1 et 1 seule personne ? Sans parler des questionnaires eux-mêmes.. Souvent très orientés, ou flous.. « Trouvez-vous votre peau plus hydratée ? Cochez le % ressenti », « Notez l’effet anti-rides de 0 à 5 ».. Très subjectif.. Surtout qu’on est moins difficile avec un produit gratuit qu’avec un pot de crème payé 50 euros !!

Je voudrais croire que depuis les choses ont changées.. Mon expérience datant d’une petite dizaine d’années. Si certaines d’entre vous avez participé à des auto-évaluations plus récentes j’aimerais beaucoup savoir si le système est toujours le même.

Mais une chose est sûre, ces auto-évaluations n’ont rien de scientifique ! Ce n’est que le ressentie d’un mini panel de testeuses.. Non rémunérées, non contrôlées (on ne peut pas mettre quelqu’un dans chaque salle de bain pour vérifier que tel produit est correctement et sérieusement utilisé et testé !), en général bien contentes d’avoir des produits gratuits..

Encore une fois on s’aperçoit que la législation est bien clémente et arrangeante avec les marques de cosmétiques.. L’avis subjectif de 20 femmes devient « preuve d’efficacité » et permet des allégations toujours plus prometteuses..

Cela prouve encore une fois que seul l’INCI d’un produit dit la vérité sur celui-ci.. Tout le reste n’est que de la pub ! Le packaging et ses allégations, la pub télé, les magasines.. Regardez combien de produits sont testés par auto-évaluation, c’est impressionnant ! Surtout si on compare avec le nombre de ceux testés « in vivo ».. Mais pourquoi payer un labo, des tests chers et des gens diplômés, puisque l’avis de 20 bénévoles vaut pour « preuve d’efficacité » ?….